Sommet de l'OTAN à Washington

En route pour Washington !

L'entretien de Prof. Anessa Kimball s'inscrit dans un article, rédigé par Kyle Duggan & Zi-Ann Lum, publié par POLITICO dans son Ottawa Playbook, portant un regard quotidien sur la politique et le pouvoir au Canada.

(See English version here)


 

Qu'est-ce que vous attendez ?

Prof. Kimball : L'expression "deux pour cent" va revenir sur le tapis. On attend du Canada qu'il mette un plan sur la table. On attend de lui qu'il montre à ses alliés [comment il compte s'y prendre pour respecter ses engagements], même à court ou moyen terme. À ce stade, la plupart des autres alliés, même ceux comme l'Italie et l'Espagne qui figuraient sur la liste des mauvais élèves, ont été en mesure de le faire.

L'une des difficultés réside dans le fait que le public canadien n'a pas vraiment manifesté sa volonté d'investir autant. C'est une question politique. Bill Blair, Anita Anand et d'autres [anciens] ministres de la défense ont fait remarquer qu'il n'était pas facile de convaincre les parlementaires de la nécessité d'investir 2%.

Pourquoi est-ce si difficile ?

Nous pouvons souligner un certain niveau de naïveté en ce qui concerne la relation avec les États-Unis. On pense qu'en cas de réelle crise, les États-Unis seront là.

Nous avons eu quatre années de Donald Trump, et le Canada aurait dû en tirer des leçons, de la même manière que nos alliés européens. Ces derniers s'inquiètent d'un éventuel désengagement de Trump de l'OTAN et de l'Europe, ce qui n'est pas nécessairement le cas du Canada. Le Canada semble plus préoccupé par les éventuelles perturbations commerciales d'une deuxième administration Trump que par une rupture des relations en matière de sécurité et de défense. Je pense que c'est parce que nous considérons cette relation comme acquise.

Les Canadiens ne sont pas non plus convaincus... que la menace est là. Par exemple, il est plus facile d'expliquer aux Canadiens que nous devrions dépenser pour la Défense lorsqu'il s'agit de lutter contre le changement climatique ou ce genre de catastrophes, car c'est au Canada que cela se passe. C'est un véritable défi d'expliquer que nous devons le faire en raison de l'OTAN.

En réalité, c'est de cette manière que le Canada parvient à mener à bien une grande partie de sa politique de défense, en se liant les mains au niveau international et en disant ensuite : "Nous avons fait cette promesse, nous devons donc la tenir".

De quoi parlons-nous lorsque nous évoquons la mesure des 2 % ?

Les dépenses de défense de l'OTAN — 2 % du PIB annuel d'un pays pour les dépenses militaires, c'est ainsi que nous les appelons, même si les dépenses de défense de l'OTAN peuvent inclure un peu plus de choses.

La définition adoptée par l'OTAN remonte aux années 1950. Il est donc possible de manœuvrer ou d'élargir ce qui peut être inclus. D'autres pays sont plus à même de le faire sur le plan fonctionnel et juridique.

La Belgique a légiféré pour que son système ferroviaire fasse partie de la défense et de la sécurité nationale. Environ 90 % de tout ce qui passe par l'Ukraine est passé par les rails belges, mais cela signifie également que toutes les dépenses engagées pour maintenir ce système sont des dépenses de défense nationale.

On pourrait donc faire valoir que, par exemple, les dépenses que le Canada consacrera aux infrastructures dans l'Arctique seront utilisées pour la défense, et qu'il s'agit donc de dépenses de défense nationale. Les Canadiens ne pensent pas ainsi parce qu'ils ne veulent pas mélanger ces choses.

Mais en réalité, il s'agit de moyens par lesquels le Canada peut s'aider à atteindre les 2 %. Et je ne pense pas qu'il soit difficile, en particulier parce que nous avons maintenant plus de partenaires arctiques au sein de l'OTAN, de faire en sorte que ces choses deviennent acceptables pour les autres alliés et que ces derniers y consentent.

Quelle est la suite de la conversation ?

Nous devrons faire des calculs sur l'économie de la défense. L'un des défis est que le recrutement est interrompu au Canada, donc même si nous étions en mesure d'allouer l'argent, nous savons que nous ne pouvons pas dépenser tout l'argent que nous recevons aujourd'hui.

J'explique dans mon livre qu'avec 2 %, l'un des défis pour le Canada est que nous sommes la plus petite des grandes économies, ou la plus grande des petites économies. D'une manière ou d'une autre, nous devrions dépenser en dollars réels plus que n'importe quel autre partenaire de l'alliance.

Les gens ne se rendent pas compte de ce que cela signifierait sur le plan national, politiquement, pour un électorat. Pour vous donner une idée, sur la base du budget 2023, le Canada devrait identifier autant d'argent que celui qui finance actuellement l'ensemble du ministère de la science, de la technologie et de l'innovation et le consacrer à la défense.

Entretien Sommet OTAN
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