Le rapport final d'UNIDEF-15

La Rencontre Université-Défense de Québec (UNIDEF) a récemment célébré sa 15ème édition, le 28 mars 2024 sur le campus de l’Université Laval. Ce format de rencontre est devenu un forum annuel d’échange et de partage entre le corps académique et militaire canadien, et est le fruit d’une collaboration entre l’Institut militaire de Québec et le Centre sur la sécurité internationale.

Cet évènement a été possible grâce à plusieurs partenaires financiers que sont l’Institut militaire de Québec, l’École Supérieure des Études Internationales (ESEI), le projet MINDS et Base Camp Connect.

Retrouvez ici le programme dans son intégralité.

Cliquez ici pour télécharger la version pdf.


Les changements climatiques sont un enjeu de sécurité majeur au XXIème siècle. Cette nouvelle menace nécessite une réponse interdisciplinaire portée par tous les acteurs de notre société, des chercheurs aux étudiants en passant par les professionnels et le personnel militaire. C’est par ces propos préliminaires que le président de l’Institut militaire de Québec, Brigadier-général (retraité) Richard Giguère et Anessa Kimball, à la direction du Centre sur la sécurité internationale, ont officiellement introduit cette nouvelle édition. L’UNIDEF s’est organisée autour de quatre tribunes, regroupant des panélistes issus du milieu de la recherche universitaire, du corps militaire ou encore de professionnels de la défense. 


La vice-rectrice aux études et aux affaires étudiantes de l’Université Laval, Cathia Bergeron, a souhaité la bienvenue à tous les participants. Après avoir rappelé le caractère intersectoriel et interdisciplinaire des questions climatiques, la vice-rectrice Bergeron a insisté sur la nécessité de mettre en commun toutes les expertises et d’échanger les points de vue afin de trouver une solution commune aux enjeux de sécurité liés au changement climatique. Selon elle, toutes les institutions ont à apprendre les unes des autres, et c’est ensemble que nous arriverons à nous adapter face aux changements climatiques extrêmes et à organiser une réponse résiliente. Dans cette quête, l’Université Laval se veut être un forum de mobilisation pour la recherche commune, mobilisant à la fois la communauté étudiante et scientifique, mais aussi les organisations externes.

Dans son mot de bienvenue, l’honorable Manon Jeannotte, Lieutenante-gouverneure du Québec, a qualifié le changement climatique de question qui transcende les frontières. Les enjeux climatiques représentent un défi sans précédent pour la communauté internationale: il s’agit d’une réalité tangible. Les bouleversements climatiques entraînent des enjeux de sécurité alimentaire, de santé publique, de migrations forcées et de conflits sociaux pour n’en citer que les principaux. Les conséquences de ces changements s’observent à toutes les échelles, du local à l’international. La Lieutenante-gouverneure Jeannotte a clôturé son intervention par ces mots: « la lutte contre les changements climatiques est une calamité si nous ne changeons pas de paradigme ». Il est donc de notre devoir moral et éthique de ne pas compromettre la viabilité et la santé de la terre pour les générations à venir.


Lors de la conférence d’ouverture, Mathieu Bussières, directeur du Centre d’excellence pour le changement climatique et la sécurité de l’OTAN, s’est interrogé sur le changement climatique en tant que priorité pour la défense et la sécurité. Après avoir introduit le nouveau Centre d’excellence de l’OTAN ouvert à Montréal, Monsieur Bussières a expliqué les impacts du changement climatique. En plus de générer de nouvelles tensions géopolitiques, la prise de mesures pour enrayer le changement climatique se heurte également à la résistance des pays dont les économies sont basées sur l’exportation des énergies fossiles. Le changement climatique doit être géré par les forces armées et les institutions de défense, mais aussi par la société de manière générale. Les lignes directrices de la lutte contre les changements climatiques selon Monsieur Bussières sont les suivantes: maintenir l'efficacité opérationnelle des forces tout en les adaptant aux nouvelles réalités, développer le progrès scientifique, et atteindre la carboneutralité. Ces objectifs ne pourront être atteints que par une coopération au sein de nos agences nationales, mais également par une coopération internationale. 


La première tribune nommée “De la sécurité environnementale à la sécurité climatique : les dimensions sécuritaires” et modérée par Maxime Philaire a permis d’effectuer un premier tour d’horizon des enjeux générés par le changement climatique, ainsi que l’importance des questions climatiques dans le monde académique.

Un tour d’horizon de l’état de la recherche a tout d’abord été effectué par le professeur Bruno Charbonneau, directeur du Centre sur la gouvernance sécuritaire et de crise (CRITIC) du Collège militaire royal de Saint-Jean ainsi que du Centre Franco Paix en résolution des conflits et missions de paix de la Chaire Raoul-Dandurand à l’Université du Québec à Montréal. La question environnementale est devenue prééminente dans la discipline de la sécurité internationale depuis les années 1970 grâce à la création du nexus environnement-sécurité et à son intégration officielle dans les théories des relations internationales dans les années 1990. Comme le souligne le professeur Charbonneau, c’est le concept de sécurité climatique qui semble le plus pertinent pour les acteurs de sécurité et de défense plutôt que la question environnementale, car le changement climatique peut remettre en cause les fondements de nos sociétés. 

Ensuite, la Docteure Gisèle Amow, scientifique de la défense de Recherche et développement pour la défense Canada s'est focalisée sur l’enjeu de l’Arctique, et plus précisément sur les émissions de carbone dans la région. L’objectif des acteurs du Nord, dont le Canada, est d’atteindre des émissions de carbone neutre dans l’Arctique, ce qui nécessite une collaboration entre agences gouvernementales. De plus, l’Arctique est un enjeu qui réunit plusieurs États et requiert donc une coopération poussée entre acteurs étatiques. Selon la Docteure Amow, l’Arctique présente plusieurs challenges liés à la sécurité énergétique, la durabilité, ainsi que les nombreuses opérations qui y sont menées et leurs coûts. 

Puis, Gabrielle Lavallée, chercheuse émergente, s’est ensuite penchée sur la question du fameux “paradoxe canadien”, ce phénomène touchant le Canada, pays possédant de nombreuses ambitions environnementales mais qui peine à les mettre en œuvre. Ce paradoxe peut être expliqué par trois aspects: la dépendance canadienne aux énergies fossiles, l’influence de l’industrie pétrolière et gazière dans la politique canadienne, ainsi que la complexité administrative entre le fédéral et le provincial qui freine la mise en place des mesures. Gabrielle Lavallée illustre ce paradoxe par la guerre en Ukraine. En effet, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a remis en perspective les importations énergétiques européennes, jusque-là majoritairement dépendantes du gaz russe. La nécessité pour l’Europe de trouver de nouveaux fournisseurs d’énergie représente une opportunité singulière de transition vers des énergies plus propres et renouvelables alors que la demande européenne monte. Cependant, le Canada, producteur de gaz naturel liquéfié, une source d’énergie qualifiée de transitionnelle, a augmenté ses exportations de pétrole vers l’Europe. Au lieu d’augmenter ses exportations de gaz naturel liquéfié, le Canada a choisi d’exporter du pétrole, une énergie fossile en partie responsable des changements climatiques. Il s’agit là d’une opportunité manquée d’entamer une transition énergétique.

La première tribune s’est terminée par l’intervention de Marina Pronovost, diplômée de l’École supérieure d’études internationales (ESEI) de l’Université Laval. Lors de cette intervention, il a été question du nexus entre climat, genre et sécurité, que Marina Pronovost a introduit de la sorte: « les changements climatiques touchent tout le monde, mais ne nous touchent pas tous de la même manière ». Plusieurs facteurs sociaux viennent influencer l’impact des changements climatiques sur les individus: la nationalité, l’âge ou encore le genre. En effet, la réalité des rôles qu’occupent les personnes dans la société en fonction du genre est différente, et les personnes ne sont pas affectées de la même manière. Comme il a été soulevé par les panélistes précédents, le climat a des impacts sur la sécurité, en générant des tensions sociales et politiques, des déplacements forcés et une augmentation des conflits armés. Marina Pronovost vient ajouter à cela une relation entre le climat et le genre, qui engendre un accès limité aux ressources, une exacerbation de la distribution du travail déjà inégale, des migrations forcées ainsi qu’une augmentation des violences basées sur le genre. Les propos finaux de l’intervention de Marina Pronovost concluent avec justesse cette première tribune: le climat augmente les conflits en exacerbant les conditions socio-économiques préexistantes, et les conflits augmentent la vulnérabilité face au changement climatique.


Lors de la deuxième tribune modérée par Alice Bonardi-Igout, il a été question du lien entre la défense et le changement climatique. Cette tribune a été l’occasion d’en apprendre davantage sur les stratégies et les plans d’actions afin d’implémenter de nouvelles mesures pour faire face aux changements climatiques, à la fois au niveau du Canada mais également au niveau de l’OTAN. 

Cette deuxième tribune est introduite par Colonel Reiner Zimmerman du Centre d’excellence pour le changement climatique et la sécurité de l’OTAN avec une intervention sur le nexus sécurité environnementale et environnement. Le Colonel Zimmerman a commencé son intervention avec un rappel des risques liés aux changements climatiques tels que l’augmentation du niveau de la mer, les conditions météorologiques instables, les conséquences néfastes sur la stabilité des écosystèmes et l’exacerbation des conflits. Les changements climatiques sont une priorité pour l’OTAN car ils affectent les opérations militaires, rendent nécessaire un renouvellement des équipements, et exigent de l’Alliance qu’elle soit prête à relever de nouveaux défis dans une ère d'événements climatiques extrêmes provoquant des crises de nature multiple. L’OTAN possède une stratégie de réponse aux changements climatiques comme l’explique le Colonel. Ces actions incluent la reconnaissance officielle de l’environnement comme enjeu de sécurité dans le Concept Stratégique de 2022, la sensibilisation des acteurs civils et militaires ainsi que l’adaptation des forces armées et de leurs équipements aux changements climatiques afin de participer activement à l’atténuation des effets du changement climatique. L’objectif est d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050, un défi de taille étant donné que l’énergie utilisée par les forces armées provient du secteur civil. Dans la poursuite de cet objectif, l’OTAN souhaite établir clairement les besoins énergétiques du secteur de la défense, développer des partenariats énergétiques stables avec des acteurs de confiance, renforcer et protéger les infrastructures permettant de produire des énergies renouvelables et sécuriser le transport des énergies. Le Colonel Zimmerman termine son intervention en rappelant que les avancées énergétiques ne doivent pas compromettre l’OTAN ni l’exposer à de nouvelles menaces.

La Docteure Josée Lévesque du centre de recherche et développement pour la défense Canada de Valcartier a pris le relai avec une intervention sur l’Arctique. La Docteure a tout d’abord présenté le centre de recherche de Valcartier ainsi que ses missions: effectuer des recherches novatrices dans les systèmes de combat, les systèmes électro-optiques, les systèmes d’information ainsi que les services de détection spatiale. Le but est de défendre l’Amérique du Nord, et cela passe par la défense de l’Arctique. Depuis les dernières années, on observe une présence accrue dans l’Arctique. Cette activité entraîne une dégradation des infrastructures militaires dans la région, ce qui met à rude épreuve la capacité des armées à répondre aux menaces et aux urgence. Il faut donc travailler à endiguer les conséquences du changement climatique sur les infrastructures militaires afin de préserver l’opérationnalité des forces armées et leur capacité à répondre aux nouveaux défis.

Élise Godin de la section infrastructure et environnement du ministère de la Défense du Canada a ensuite présenté la stratégie fédérale de développement durable. Tous les trois ans, Ottawa publie une stratégie de développement durable, et chaque ministère doit répondre avec sa propre stratégie, en suivant les directives fédérales. Au Canada, ce sont principalement les infrastructures liées au transport et les biens immobiliers qui sont sensibles au changement climatique. Madame Godin rappelle que même s’il faut adapter les formations des soldats aux nouvelles réalités climatiques, il faut également veiller à ce que les bâtiments soient sécuritaires, afin d’y entreposer de l’équipement, d’y mener des formations, des entraînements, des tâches administratives. C’est donc un enjeu à double niveau d’action qui doit concerner à la fois les forces armées et les infrastructures militaires.

C’est le Lieutenant-colonel Francis Roy du Groupe de soutien de la 2e Division du Canada qui a  conclu cette deuxième tribune. Après un rappel organisationnel du fonctionnement des Forces armées canadiennes, le Lieutenant-colonel Roy a expliqué le programme environnemental des Forces armées. Les changements climatiques contribuent à la propagation d’espèces nocives pour l’homme et pour l’environnement. Il faut donc agir afin de protéger la santé des individus et l’environnement. Pour ce faire, les Forces armées canadiennes effectuent des opérations telles que des suivis de la qualité des eaux en surface et des eaux souterraines, comme au centre de Valcartier. Il faut également songer à réaménager les infrastructures afin de se préparer aux changements climatiques. Il s’agit là d’un véritable défi. Afin de préserver les secteurs d'entraînements situés en pleine nature, les Forces armées doivent faire preuve d’adaptabilité, trouver les financements afin de remplacer et renforcer les infrastructures, tout cela en coopération avec le secteur civil. L’adaptation du secteur de la défense aux réalités climatiques demande donc un véritable travail de coopération et de collaboration intersectoriel.


Ensuite, lors de la troisième tribune modérée par Eléonore Daniel-Vaugeois, les panélistes sont intervenus afin de démontrer l’impact des enjeux environnementaux sur les opérations.

Le Major Steve Winters, officier de liaison principal au niveau régional depuis 2021, introduit cette tribune avec une mise en contexte sur les opérations nationales et le déploiement des Forces armées canadiennes (FAC) au Canada et au Québec. Il explique que le spectrum des opérations nationales de déploiement des FAC, dans le contexte des changements climatiques, porte principalement sur l’assistance aux autorités civiles et l’assistance humanitaire. Il développe ensuite sur les mécanismes qui relie chacun paliers gouvernementaux les uns avec les autres et forment notre appareil de défense et de sécurité civile et publique. Il élabore ensuite sur le processus d’Assistance aux Agences de Maintien de l’Ordre (AAMO) et présente ainsi les 3 niveaux de gouvernement, incarnés par les panélistes de cette tribune, au niveau municipal avec la police de Québec, au niveau provincial avec le ministère de la Sécurité publique et enfin au niveau fédéral avec les militaires des FAC.

Ensuite, Jean-François Bernier, directeur adjoint du Service de Police de la ville de Québec, élabore quant à lui sur la préparation des corps de police face aux évènements d’envergure. Bien que la capacité organisationnelle du Service de police de la ville de Québec leur permette d’endiguer une grande proportion de la menace se présentant sur le territoire, les évènements d’envergures peuvent nécessiter le déploiement d’une structure intérimaire de commandement. Les conditions climatiques sont évaluées en temps réel, mais également en amont lors de la préparation des plans d’interventions afin d’assurer une gestion des risques et une cohérence des mesures de sécurité. Celui-ci souligne le grand succès des différents scénarios d’entraînements à grand déploiement, dont l’initiative Phénix, récipiendaire en 2023 du mérite québécois de la sécurité civile pour l’ensemble de la capitale nationale en termes de réponse en sécurité publique.

À la suite, Major Steve Winters, revient sur l’importance de l’AAMO et de la structure de coordination qui s’opère avec la sécurité civile. Lorsque les enjeux climatiques demandent une réponse policière exceptionnelle et une mobilisation significative des ressources, une demande d’assistance est émise. À ce sujet, Steve Boivin, directeur par intérim de la planification opérationnelle et du soutien aux régions du ministère de la Sécurité publique, insiste sur l’importance de la complémentarité des actions, de la coordination et de la concertation dans l’élaboration des plans de mesures d’urgence, et d’autant plus face aux changements climatiques. Il mentionne que les demandes d’assistance liées aux changements climatiques sont de plus en plus nombreuses et que les critères d’évaluation permettant une analyse des risques (crues printanières, verglas, feux de forêt) sont constamment dépassés par l’envergure que prennent les évènements. Celui-ci soutient que nous avons une structure de société civile qui fonctionne et prête à répondre à tout type de sinistre. En contrepartie, les changements climatiques contribuent à épuiser les ressources sur la cadence opérationnelle, la capacité additionnelle disponible, le temps de déploiement, etc., notamment par l’intensité et l’étendue des sinistres, mais aussi à cause des impacts sur les infrastructures. Il réitère l’importance de la coopération face à ces enjeux et souligne à cet égard que le Québec est au balbutiement d’une réserve d’intervention en de sécurité civile afin d’augmenter la capacité d’intervention future du QC, de s’adapter aux nouvelles réalités et de favoriser la complémentarité des actions avec une coordination accrue.

Enfin, dans la mesure ou le ministère a épuisé ses ressources disponibles à l’assistance des municipalités, le ministre de la Sécurité publique du Québec demande au ministre de la Sécurité publique du Canada l’intervention des forces armées canadiennes. À cet égard, le Lieutenant-Colonel Richard Bernatchez s’est exprimé sur l’importance des conséquences qu’ont les catastrophes climatiques sur les opérations. La fréquence des catastrophes dépasse les ressources aux niveaux inférieurs de l’échelon de plus en plus rapidement et force le déploiement de l’armée, ce qui exerce un stress opérationnel sur les calendriers d’entraînement de l’agenda régulier. Il mentionne d’ailleurs la relation de collaboration entretenue avec M. Boivin dans le cadre de plusieurs lignes d’opérations, notamment l’assistance portée dans l’Est de la Côte-Nord, isolée par la fermeture du pont Touzel ou encore à Sept-Îles pour les feux de forêt et l’évacuation des personnes en CHSLD. Il se réfère ensuite à la politique de défense des forces armées canadiennes qui mentionne notamment le devoir d’assistance aux autorités civiles, mais aussi le devoir de défendre le pays. Chaque opération menée par elles, dans le cadre d’une demande d’assistance domestique, dilue les capacités d’opérations à chacun des autres niveaux. La hausse de la fréquence des demandes d’assistance engendre un stress non seulement opérationnel, mais également sur la disposition du personnel et du matériel. Il conclut en mentionnant qu’en parallèle de ces nouveaux enjeux, le manque de personnel viendra éventuellement ajouter un lot d’inquiétudes sur le fonctionnement de l’appareil et de l’institution dans son ensemble.


La quatrième tribune de l’UNIDEF, modérée par Juliette Danjon, s’est consacrée aux leçons apprises dans d’autres domaines d’activités.

Activement impliquée dans la recherche et la technologie avec un potentiel transformatif, Madeleine Redfern, Directrice des opérations de CanArctic Inuit Networks, anciennement mairesse d’Iqaluit pendant 2 mandats sur une période de 6 ans, explique qu’elle n’imaginait pas avoir entamer un poste ou elle allait devenir aussi familière avec la gestion d’enjeux tels que: les changements climatiques, les problèmes d’énergie, de transports, de télécommunications, mais aussi des risques de désastres potentiels d’une perturbation des services communications et la façon d’y répondre. Dès son premier mandat, les urgences climatiques faisaient partie des enjeux à traiter. En janvier, un des principaux conduits d’eau s’est brisé entraînant la perte de centaines de milliers de litres d’eau chaque seconde, celle-ci particulièrement précieuse dans ce contexte d’isolement de la région. Heureusement, ils furent en mesure de répondre à cet enjeu de façon interne grâce à des entrepreneurs locaux ont pu intervenir et réparer le conduit. Un peu plus tard dans son mandat, elle fut confrontée au fait que le système de télécommunications, entièrement dépendant des satellites, fut entièrement interrompu et entraîna une paralysie générale des opérations, à tous les niveaux. Conséquemment, c’est l’interruption des transports aériens et aucune possibilité à même la région de solliciter de l’aide, plongeant la ville dans l’isolement total. Puis, elle enchaîne en expliquant que lors de son deuxième mandat, elle fût également appelée à effectuer une demande d’assistance d’urgence. Bien que la glace en Arctique fonde, il y a de moins en moins d’eau disponible dans les lacs et dans les réservoirs utilisés par les communautés. Ainsi, depuis 2017-2018, ceux-ci demeurent en état d’urgence, nourrissant peu d’espoir d’y voir une fin dans un avenir proche. Ces demandes demeurent actuellement sans grands résultats. Mme Redfern reconnait que les panélistes de la troisième tribune ont démontré les capacités internes de mobilisation et opérationnelles des forces armées canadiennes lors d’enjeux de nature climatique, toutefois celle-ci soutient que la réponse demeure insuffisante dans des régions telles qu’Iqaluit, rappelant la catastrophe télé communicationnelle dont ils furent victimes. La solidité des infrastructures et des sols représente également un enjeu important auquel la région est confrontée étant donné les nombreux impacts que les changements climatiques peuvent engendrer sur la solidité et la stabilité des sols et des bâtiments. Désormais activement impliquée dans la recherche, elle souligne le leadership de la défense nationale relativement à la question de la protection de l’arctique Canadien, et avance que nous devrions envisager un système d’infrastructures à double usage. Contrairement à l’armée américaine qui dépend largement des infrastructures civiles, celle-ci constate que l’absence des investissements nordiques à double usage. Finalement elle souligne la nécessité d’investissements pertinents pour le développement de la région, pour les communautés, pour la protection des ressources de ce secteur, mais également en termes de défense, et particulièrement avec l’opportunité que procure le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) dans la réalisation de ces objectifs.

Ensuite, Tristan- Emmanuel Landry, directeur général régional, région de l’Est du Centre, pour le ministère de l’Environnement et Changement climatique Canada, établit d’emblée que les changements climatiques nécessitent une couverture très large en termes de leçons apprises. L’étendue des aspects à couvrir représente un défi de taille, les changements climatiques ayant un impact sur les risques pour la sécurité publique, mais aussi sur les impacts relatifs aux ressources naturelles. Pour un pays comme le Canada qui dépend beaucoup de ces ressources naturelles au niveau économique, notamment au niveau des emplois, cela constitue une source de stress importante. La montée des eaux représente également un enjeu préoccupant en tant que menace directe pour les communautés côtières, qui se voient de plus en plus affectées par les sinistres. Dans les provinces maritimes plus particulièrement, on risque de constater une augmentation des ouragans ou de tempêtes tropicales qui remonteront le long de la côte, ce qui réitère l’importance de perfectionner les techniques permettant de prédire et gérer adéquatement ce genre d’intempéries. Les changements climatiques provoquent des perturbations dans l’écosystème, que ce soit au niveau des forêts, de l’eau ou niveau des systèmes en biodiversité. L’augmentation des catastrophes naturelles et la pression sur les infrastructures vont nécessiter éventuellement des coûts considérables. En termes de leçons apprises, il insiste sur deux points. D’abord l’axe horizontal, donc fédéral qui réitère l’importance de la gestion pangouvernementale, particulièrement au niveau du gouvernement fédéral et qui implique notamment de mieux collaborer avec les autres ministères. À titre d’exemple de ce qu’il est possible de réaliser au niveau défense pangouvernementale, il mentionne son déploiement en tant que civil en Afghanistan. Déployé au niveau de la diplomatie, du développement et de la défense, toute une organisation était mise en place dans le cadre d’une mission de soutien, permettant de travailler en collaboration avec plusieurs ministères, et ce, dans le cadre d’un déploiement à l’étranger. M. Landry espère donc que la mission en Afghanistan servira d’inspiration aux acteurs du système dans le cadre des changements climatiques. Parallèlement l’axe vertical, qui traite des autres partenaires du point de vue fédéral. Au-delà des partenaires au niveau provincial ou municipal, il existe tout un écosystème de partenaires, notamment issus des secteurs privés, ou des communautés autochtones qui ont plusieurs éléments pertinents qu’il importe de considérer afin de bien coordonner une réponse aux enjeux des changements climatiques. Selon lui, la capacité de structuration de ces réseaux de partenaires sera fort probablement le gage de réussite face à l’ensemble des défis climatiques.

Puis, Hélène Lauzon, avocate et urbaniste, présidente-directrice générale du conseil patronal de l’environnement du Québec, qui représente le secteur privé pour les questions de l’environnement et de développement durable explique que les considérations qui sont relatives aux changements climatiques font désormais partie intégrante des stratégies et des plans d’actions des entreprises. Ces préoccupations sont motivées par des évènements de nature extrême, l’évolution considérable des règlementations, l’évolution du marché, etc. Les attentes des investisseurs représentent également un facteur important puisqu’il n’est pas rare, qu’en amont, et en aval d’un financement d’entreprise, des informations en termes de changements climatiques soient exigées. Sans compter les parties prenantes telles que les activistes, les médias ou la société civile en général. Les menaces auxquelles les entreprises seront confrontées seront de l’ordre de l’approvisionnement de la sécurité énergétique, ce qui rappelle l’importance de l’efficacité et de la diversité énergétiques. Une autre menace potentielle pour les entreprises réside dans la disponibilité et l’accès à l’eau. Les entreprises nécessitent beaucoup d’eau dans la production des procédés industriels ou dans les chaînes d’approvisionnement. Parallèlement, on voit apparaître des conflits d’usage, à savoir qui obtiendra la priorité sur les ressources parmi les agriculteurs, les résidentiels, les entreprises et les acteurs municipaux. La rivalité mondiale pour les ressources naturelles offre également un positionnement intéressant des entreprises en ce qui a trait aux ressources naturelles. Elle s’intéresse d’ailleurs à l’importance de ne pas seulement être un pays extracteur de ressources naturelles, mais qui les transforme et les exploite, de façon à ne pas brader ces ressources en ne réinvestissant que peu dans l’économie. Parallèlement, grandement dépendants des produits d’exportations, la vulnérabilité ou la rupture des chaînes d’approvisionnement est également un enjeu fondamental qui amène beaucoup de réflexion notamment par rapport à notre dépendance à la chaîne d’approvisionnement mondiale et comment faire pour rapatrier la production de certains produits sur le territoire. Dès lors, pour contrer ces enjeux futurs dans les chaînes de production les entreprises doivent mettre en place des stratégies pour réduire ou atténuer leurs émissions de GES, mais aussi des stratégies d’adaptations aux changements climatiques. On a vu également apparaître des conditions dans les aides financières gouvernementales, l’écoconditionnalité, qui implique que l’entreprise désirant bénéficier d’une aide financière doit pouvoir démontrer l’étendue de ses actions en termes de changements climatiques. Elle mentionne enfin que les stratégies d’adaptations sont nécessaires parce qu’il y a certains procédés industriels qu’il n’est pas possible d’arrêter spontanément, et qui nécessitent qu’on se penche sur de nouvelles façons de faire et dans cette transition verte.

Enfin, Jean-Louis Chamard, ancien président de Réseau environnement, explique comment le premier plan sur les matières résiduelles sur lequel il a travaillé dans les années 1980-1990, sur la base militaire de Valcartier à Québec, a conduit à une réduction des coûts des contrats de gestion des matières résiduelles d’environ 50% et de la construction de l’Éco-centre. Il appuie que nous devons, autant les entreprises privées et publiques, que les citoyens, agir collectivement afin de répondre à cette crise climatique. Il appelle à un changement dans nos pratiques et dans nos façons de faire, autant au niveau gouvernemental qu’au niveau individuel, afin de contribuer à réduire l’impact environnemental à l’aide de gestes concrets.


La séance de clôture de la 15ème édition de l’UNIDEF est marquée par l’intervention du Major général Simon Bernard, chef d’État-major du commandement des opérations interarmées des forces armées canadiennes, qui rappelle les nombreux impacts que les changements climatiques vont engendrer, notamment en termes de disponibilité opérationnelle, matérielle, etc. Il précise que d’un point de vue mondial, les changements climatiques causent des crises humanitaires, intensifient la concurrence pour les ressources rares et exacerbent les problèmes déjà existants. C’est particulièrement le cas dans les États fragiles qui sont déjà confrontés à des défis économiques, politiques et sociaux importants. Bien que l’on entende souvent dire que les changements climatiques sont un amplificateur de tensions et d’instabilité, il soutient cependant qu’il importe de garder en tête les conséquences des changements climatiques qui peuvent être la cause d’insécurité, voir l’étincelle d’un conflit en citant comme exemple les problématiques d’accès à l’eau potable qui menacent de conduire à un conflit armé. Il termine en dressant un portrait de l’état des forces armées canadiennes en soulignant la nécessité de reconstituer son système opérationnel de défense. Il termine en rappelant que les changements climatiques sont une réalité avec laquelle nous devons faire face. Afin de faire face efficacement aux situations d’urgence, de renforcer la résilience et de maintenir la disponibilité opérationnelle, il insiste sur l’importance de travailler en collaboration, d’investir dans des solutions durables et être prêts à affronter les défis à venir. La disponibilité opérationnelle est cruciale pour faire face aux changements climatiques et il encourage les agences gouvernementales, les organisations humanitaires et les entreprises à être prêt à répondre rapidement aux crises. Il suggère à cet effet, une planification minutieuse, des exercices d’entraînement réguliers et des systèmes de communications fiables. Ignorer un problème ne le fait pas disparaître conclue-t-il, la science démontre l’urgence d’agir et le besoin d’entreprendre des mesures d’adaptations afin de préserver notre planète et des conditions justes pour les générations futures.


Le mot de fin de cette conférence est revenu au professeur Jonathan Paquin, directeur de l’École supérieure d’études internationales (ESEI), de l’Université Laval qui a rappelé la pertinence et l’importance de cette rencontre université défense et l’évolution significative de l’évènement, devenu un incontournable de la communauté civile-militaire au Québec et au Canada. Il a ensuite souligné les efforts et l’implication des organisateurs et des collaborateurs, tout en reconnaissant l’importance de ces tribunes pour toute la communauté universitaire, et en souhaitant la pérennité de cet évènement annuel.

 

Le CSI tient à remercier Léa Bossert, étudiante à la Maîtrise en Relations Internationales — Sécurité Internationale à l'ESEI, et Gabrielle Bernier, étudiante au baccalauréat en Science Politique, pour leur participation à la rédaction de ce rapport.

illustration rapport final UNIDEF-15
Publié le